Depuis hier, j'ai réécrit ce billet des centaines de fois dans ma tête. Devant mon clavier, j'ai longuement hésité. Contrairement à la mention qu'on peut lire à la fin d'un film, les personnages dans cette histoire ne sont pas purement fictifs. Ce ne sont pas des statistiques, des grands titres à la une des journaux. Ce sont des jeunes qui après avoir vécu ÉDLC retrouvent leur réalité et les contraintes qui s'y rattachent. Pour certains, pas de belles phrases du genre « Et ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants ». Contrairement à Shrek, ce n'est pas avec plaisir qu'ils retrouvent leur marais. ÉDLC n'est pas un conte de fées où tout se règle par un savant coup de baguette magique. Nous avons la prétention d'offrir à ces jeunes une occasion de découvrir les outils qui les aideront à améliorer leur situation. Mais dans la boîte à outils d'ÉDLC, pas de Fée Clochette, pas de bon génie. Les outils sur lesquels nous misons sont l'estime de soi, la confiance en soi, la détermination, la persévérance. Ce n'est pas par magie qu'ils vont améliorer leur sort. Il leur faudra travailler dur en gardant à l'esprit qu'ils ont ce qu'il faut pour atteindre tous leurs objectifs s'ils acceptent d'y mettre les efforts nécessaires.
Ce discours est bien beau, mais la réalité de certains jeunes nous empêche de nous draper dans une naïveté réconfortante. Hier, on me parlait d'un jeune qui aurait aimé participer à la Classique du Parc LaFontaine, mais qui n'avait pas 15 $ pour s'inscrire. J'imagine sa déception. On lui a fait découvrir la course à pied, il y a pris goût et s'est avéré être un très bon coureur. Et quand lui vient l'idée de participer à une course organisée, sa réalité le rattrape comme une « claque s'a yeule ». De mon point de vue de membre de la classe moyenne-élevée de notre belle société, ces situations sont inimaginables. Je ne sais pas quel dieu je dois remercier d'être où je suis aujourd'hui. Bien sûr, tout ne m'est pas tombé du ciel, j'ai travaillé et j'ai fait des choix qui m'ont mené où je suis. Mais serais-je à la même place si la petite graine de mon existence avait pris racine dans un terreau moins fertile?
Ce matin, je pontifie sur ces questions en utilisant un ordinateur coûteux et en sirotant un deuxième cappuccino. Je ne fais pas un salaire de médecin spécialiste, loin de là, mais ma famille vit bien et mes filles ne manquent de rien, malgré ce qu'elles peuvent parfois en penser... Mais mon expérience d'ÉDLC m'a ouvert les yeux en m'obligeant à aller au-delà des clichés et des idées reçues. Je n'avais qu'une idée théorique de la pauvreté. Chaque année, je donnais à Centraide et à d'autres causes. Je faisais ma part pour aider mon prochain, mais sans me salir les mains, sans m'investir concrètement et surtout sans m'exposer émotivement. Grâce à ÉDLC, la pauvreté a maintenant un visage. Ce n'est plus un concept théorique. Les enjeux sont complexes et il n'y a pas de solutions simples. Pas de bonne fée ni de baguettes magiques. Mes certitudes ont été ébranlées à bien des égards.
Cette semaine, 30 jeunes de Côtes-des-neiges, d'Hochelaga-Maisonneuve et de Montréal-Nord entreprennent l'entraînement en vue de participer au Marathon de Montréal de 2011. Encore cette année, je serai mentor. Mon expérience de l'an dernier a été si riche à tous les niveaux que je ne pouvais pas faire autrement que de m'embarquer à nouveau dans l'aventure. J'ai beaucoup appris sur moi-même et je pense globalement être une meilleure personne aujourd'hui. Plus engagé, plus réaliste et beaucoup moins naïf...
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